mercredi, décembre 08, 2010

Envoyer chier ses artistes (Malaise dans la culture - 2ième partie)

L’hiver dernier, j’ai publié une note en réaction au suicide de Marcel Simard (la liste s'est allongée au printemps dernier, lorsque Robert Mailhot est passé aux mêmes actes). Je faisais le constat que rien n’était plus inquiétant que de voir les artistes d’une société se donner la mort. Aussi je trouve qu’il n’y a rien de plus louche que de voir une société commencer à envoyer chier ses propres artistes. Que ce soit par les propos maintenant célèbres de Serge Henry; que ce soit par la bouche des animateurs de radio-poubelle ou que ce soit par la pléthore de commentaires qu’on peut recueillir sur des blogues grand-public style La Clique du Plateau, un message homogène se formule tranquillement : une (importante?) partie de la société québécoise envoie chier ses artistes, abhorre ses artistes, développe une abjection viscérale à leur endroit et à l’endroit de ce qu’ils représentent. Je ne me prononcerais pas sur les raisons apparentes de ce phénomène, ni non plus sur la nature du carburant de cette haine, à savoir le présumé mythe de l’artiste enrichi par les subventions, à savoir la figure la plus aboutie du vampire, celle du BS de luxe suçant l’argent du système pour écrire ses « inepties élitistes »; je veux simplement soulever le fait que nous atteignons une ère extrêmement inquiétante. Je voudrais trouver ce qui s’est passé dans la suite des événements pour qu’on en vienne à détester à ce point les artistes et les intellectuels, à les considérer comme des parasites absolument nuisibles. Je ne ferai pas de plaidoyer pour défendre ces derniers car je suis profondément convaincu que ceux qui les dénigrent sont irrécupérables. L’âge des Lumières est terminé. Il ne vaut plus la peine d’éclairer les masses : elles se complairont dorénavant dans un abrutissement cynique qui démonise le goût ou la capacité de réfléchir.

Si par ailleurs, nous nous considérons un tant soit peu artistes ou intellectuels, il ne nous reste plus que la confrontation. Nous nous devons d’être plus que jamais impitoyables dans nos démarches et plus jamais devons nous rechercher le consensus. Il faut faire peur; il faut faire mal. Ils nous ont sacrés parasites? Nous leurs seront plus que jamais dangereux.

lundi, décembre 06, 2010

L'Argument du chiffre...

...tel que publié sur TERREUR!TERREUR!

Procrastination oblige, j’ai fait le tour de quelques blogues et j’ai trébuché sur celui d’Élisabeth Tremblay via celui de Jonathan Reynolds. Dans une note intitulée Vous aimez la polémique, elle se porte au secours de la série Les Chevaliers d’émeraude, qui semble-t-il, se trouve à être la cible de pelletées de critiques. Son artifice défensif s’organise autour d’un argument que je ne peux plus entendre. Celui du chiffre. La série Les Chevaliers d’émeraude a conquis des milliers de lecteurs et a rapporté des millions de dollars à l’éditeur, affirme-t-elle (je ne met pas en doute l’information). Voilà deux qualités qui devraient stopper net tous ses détracteurs. Mais pourquoi faudrait-il qu’une vache à lait devienne une vache sacrée? Et pourquoi toujours nous remettre sous le nez l’argument du chiffre? On me dira que je ne comprends pas les impératifs financiers qui règlent la réalité des éditeurs? Wrong. Durant les 15 dernières années, je me suis impliqué dans les Jeunes Entreprises, j’ai suivi une formation au SAJE; je suis même allé perdre mon temps aux HEC, j’ai appris à rédiger des plans d’affaires et je gagne ma vie en vendant de la bouffe et du vin. Je suis peut-être le plus néolibéral de tous les littéraires que vous connaissez. Mais l’argument du chiffre, j’en ai vraiment marre. J’en ai marre qu’il soit l’indice ultime du succès littéraire, qu’on y ait recours comme argument salvateur pour tout texte possédant peu de qualités littéraires qui rapporte un tant soit peu à son éditeur. Comme s’il fallait créer de la richesse avec des livres « plus commercialisables » pour subventionner des livres plus obtus, « plus difficiles d’approche ». Vendre des livres; convertir des gens à la lecture, pour vendre plus de livres, pour convertir d’autres gens à la lecture. Faire de la lecture quelque chose d’aussi accessoire que superficiel. En fait, créer un besoin. Pour ensuite y répondre par la publication diluvienne de blockbusters littéraires dont l’existence ne change absolument rien au fait que d’autres sortes de livres se lisent et s’apprécient. Et je ne juge pas ce type de littérature (mais personnellement, être pogné pour en écrire, je m’endormirais sur mon clavier); je ne la juge pas dans la mesure où elle demeure à la place qui lui sied et dans la mesure où elle reste consciente de ses limites. Les Blockbusters littéraires ne sensibilisent pas plus à la lecture que les Backstreet Boys sensibilisent à la musique. Pour finir, je veux clore tout ça avec une belle vérité de La Palice – car tout blogue qui se respecte en est infesté – à savoir que le succès commercial d’un livre n’a rien à voir avec ses qualités littéraires. Transportons-nous dans le monde musical ou dans le monde du cinéma et les choses seront peut-être plus apparentes.