mercredi, mars 31, 2010

Malaise dans la culture – 1ère partie

En 1929, Sigmund Freud publiait Malaise dans la culture (aussi intitulé Malaise dans la civilisation), une sorte d’étude du cas humain qui tente de débusquer les raisons qui poussent l’homme à s’autodétruire; sorte d’étude, dis-je, au terme de laquelle Freud formule l’hypothèse suivante : ce qui peut sublimer les pulsions, c’est l’Art. Car, d'après Freud, dans l’homme font rage des pulsions : des pulsions de vie, des pulsions de mort. Bref, sans trop abréger, Sigmund suggère que le salut de l’homme, c’est l’Art. À l'époque, ce n’était pas peu dire. Mais les horreurs qui marquèrent les deux tiers du XXe siècle prouvent que son hypothèse n’a trouvé que trop peu de disciples.
**
Moralement épuisé et absolument déçu par l’Amérique qu’il a vu se dégénérer tout au long de sa vie, cette Amérique qui s’est avortée elle-même, grosse de ses bouillonnantes années ’60, cette Amérique seulement rêvée et depuis longtemps évanouie, Hunter S. Thompson (écrivain de la contre-culture & journaliste) met fin à ses jours en février 2005, trois mois après la réélection de George W. Bush, en se brûlant la cervelle.
Pour des raisons qui, dans leur essence, ne sont pas tellement différentes, le 15 mars 1977, Hubert Aquin s'est lui aussi flambé la cervelle. La mort d'Aquin annonce toute une série de décès similaires, série qui se rend jusqu’à nous, en 2010, le plus récent étant celui de Marcel Simard.
Le message que laissent tous ces suicides est aussi triste que complexe. Un élément qui perd de son utilité, qui se sent rejeté par l’ensemble, déçu par l’ensemble, aliéné de l’ensemble; l’élément qui se sent vidé de sa substance, par une force naturelle, se supprimera ou sera supprimé. Une tendance s’exprime tranquillement dans les sociétés nord-américaines : l’Art perd sa raison d’être, l’Art tend à se supprimer lui-même. Et donc ses disciples, les artistes.
Je trouve qu’il n’y a pas rien de plus alarmant pour une communauté que de voir ses artistes se suicider. Mais attention! Il ne s’agit pas ici du Mal qui la tenaille : il ne s’agit que d’un symptôme. Le symptôme d’une gangrène souterraine, gangrène qu’on décèlera beaucoup trop tard, lorsqu’elle aura bouffé tous les membres et tous les organes essentiels à la vie.
Peut-être que l’Art a fait son temps? Peut-être que nous sommes assez grands maintenant, nous, peuples riches et industrialisés pour s’en aller et passer à autre chose? Peut-être? Non?

Même le petit garçon dans The Road essaie de jouer de la musique.

jeudi, mars 04, 2010

Se contenir et redevenir éditeur

Vous ignorez à quel point je pourrais noircir ce blogue de notes pleines de fiel. 2 ou 3 par jour, presque. Mais attention, elles seraient pleines d’un fiel distillé, mis en bouteilles, un fiel digne de grandes cuvées. Un fiel travaillé à même la vigne; du sang de cailloux, quoi. Pourtant, je me retiens de tirer à boulets rouges sur tout ce qui m’indigne. Vous aurez deviné ma cible principale : le microcosme littéraire québécois. Comme beaucoup d’autres, ce qui s’y passe me ronge les parois stomacales. Les brûlements d’estomac, c’est le propre de tous ceux qui restent (à tort ou à raison) dans l’ombre. Peut-être que si je vidais quelques chargeurs argumentatifs sur certaines têtes qui selon moi, manquent tout à fait d’autorité critique et de talent pour s’imposer à ce point, je brasserais un peu de merde et ce blogue serait une destination-rêve pour tous ceux qui ont leur grain de sel à cracher dans la soupe. Mais je n’aime pas ça, brasser la merde. Je préfère brasser autres choses. Des idées, genre.
À scander des paroles venimeuses, je préfère garder le silence. En fait, tout ceux que je connais qui sont aussi aigris que moi, gardent eux aussi le silence. On reste les bras croisés, dans notre coin de la salle, en observant les choses aller, en espérant que quelqu’un se plante, fasse rire de lui, que quelqu’un se réveille et dise : «Ça fera, les imposteurs!» Mais non. Le mélange tient, la chorégraphie se poursuit sans trop d’anicroches. On hésite entre rire ou pleurer.
En me calmant, je suis venu à deux conclusions:

1) La littérature connaît en ce moment un décentrement historique : elle est de moins en moins consommée par des lecteurs, mais de plus en plus par des téléspectateurs, des websurfeurs, des auditeurs; elle est de moins en moins écrite par des écrivains mais de plus en plus par des script-éditeurs, des scénaristes, des chroniqueurs, des journaleux, des bacheliers en communication. D’ailleurs, je le tiens de la bouche de certains professeurs, (faites-en ce que vous voulez) la littérature comme objet d’étude serait sur son déclin; dans l’avenir on s’attardera davantage aux récits (et les récits, ça transcende n’importe quel médium, que ce soit le cinéma, la vidéo, la webtélé, la télé, le livre, etc.).
2) À l’automne, je vais ouvrir une bannière d’édition toute neuve et reprendre du service. Ça vaudra mieux que me faire du sang d’encre et de couver un cancer.